Danse et pratiques somatiques : le Body Mind Centering® par Anne Garrigues

 

Beaucoup d’entre-nous, danseurs expérimentés, amateurs plus ou moins avertis ou simples passionnés découvrant le mouvement dansé ont pratiqué, lors de stages ou entendu parler, de pratiques somatiques. Les noms de Feldenkrais, Alexander ou les termes d’Eutonie sont familiers pour certains mais restent mystérieux pour d’autres.

Qu’est-ce qu’une méthode d’éducation somatique ?

Il s’agit d’une approche pédagogique du mouvement qui regroupe tout un éventail de pratiques corporelles. La plupart explore les aspects qualitatifs du mouvement, l’écoute de soi, la perception fine et sensible du mouvement par une expérimentation sensorimotrice individuelle.

 

Dance debout, photo fournie par Anne Garrigues, tous droits réservés

Parmi ses différentes méthodes CCCdanse a choisi d’en savoir plus sur le Body-Mind Centering®, élaboré par Bonnie Bainbridge Cohen, danseuse, chercheuse en mouvement et thérapeute américaine.

Dans cet enseignement une place importante est assignée à l’étude de l’anatomie et de la physiologie humaine – à travers l’examen des différents systèmes et tissus du corps – ainsi qu’à l’exploration du processus de développement moteur de l’enfant.

L’attention est dirigée sur différents foyers d’amorce du mouvement ce qui permet d’élargir le territoire imaginaire du corps et de laisser émerger progressivement diverses qualités motrices et expressives. Par le mouvement, le toucher, la modulation du tonus, la respiration et la voix, on apprend à différencier et à articuler l’expérience sensorielle et à intégrer de nouvelles organisations dynamiques et posturales.

Le BMC®, se pratique en séances collectives et individuelles et s’adresse aux personnes de tout âge, comme d’autres approches somatiques, il est proposé dans le cadre de la pratique régulière du danseur ou de stages plus ponctuels comme ceux que proposent Anne Garrigues une des praticiennes françaises de BMC®. Rencontre et témoignage …

Source : soma-france.org

Anne Garrigues, vous êtes chorégraphe, danseuse, improvisatrice, diplômée et enseignante en Body-Mind Centering®, pourquoi avoir choisi cette approche ?

« Parce qu’elle m’a choisie. J’ai rencontré le BMC® il y a plus de 20 ans lors d’un stage de formation professionnelle de danseurs au théâtre contemporain de la danse à Paris qui avait fait venir des danseurs de Trisha Brown. Tous ses danseurs avaient une approche approfondie du corps basée sur les techniques de ce qu’on appelle le champ somatique. La dernière période de ce stage de trois mois fut consacrée au Body-Mind Centering®, avec l’arrivée de Vera Orlok . Elle était à la source du BMC®, ayant fait partie de la première équipe qui a travaillé autour de Bonnie Bainbridge Cohen où le BMC® s’est créé. Ce travail est aussi collectivement approfondi et on peut trouver là des liens avec Anna Halprin dans ses manières de travailler : l’enseignement n’est pas hiérarchique mais plutôt fondé sur les différences et ce qui va se croiser de la relativité de l’expérience de chacun.

Anne Garrigues, Autobiographie d’un corps ému, crédit photo Etienne Eymard Duvernay

Une formation se met en place en France en 2006, et je fais partie de cette première promotion. Nous avons été une trentaine de praticiens à valider en 2010 nos  quatre années de formation. J’ai continué en 2011-2012 par le teacher training : il s’agit d’une formation qui sur le plan mondial est proposée par la School of BMC®  tous les sept ans seulement. Ce sont des moments exceptionnels où l’école  prend le temps de faire circuler  la question de comment on enseigne le BMC® en groupe. Nous avons été six ou sept français à s’inscrire dans ce teacher training et je viens d’intégrer l’équipe pédagogique comme professeur junior.

En parallèle, j’ai fait une formation sur le développement du nourrisson qui est une spécialité du BMC®. Le parcours de vie de Bonnie Bainbridge Cohen BMC® fait que le BMC® est à la croisée des champs artistique et thérapeutique porté sur la question du développement de l’enfant. Ce parcours l’a amenée à une autre manière d’approcher la question de l’enseignement tout comme la question du rapport entre le patient et le thérapeute. »

Source : soma-france.org

Qu’apportent les techniques somatiques à la danse, dans la conscience du mouvement ou d’un point de vue très personnel ?

« L’enseignement du BMC® se fait en groupe, non de façon individuelle comme dans d’autres pratiques (technique Alexander, le Feldenkraisl’Eutonie)  et le champ somatique permet de mieux se connaître donc de s’utiliser mieux. Il permet d’ouvrir des potentiels donc d’élargir sa gamme  d’expressions. Le BMC® jouant sur des registres très différents, il est un espace où l’expression peut trouver de multiples visages. Il nous sert, à  nous danseurs, sur le plan purement artistique mais aussi sur le plan technique parce que mieux se connaître pour s’utiliser c’est moins se blesser, c’est savoir prendre soin de soi. Une de mes enseignantes disait : « en BMC® on fait des expériences relatives à d’autres expériences qui peu à peu construisent notre expérience ». Comme l’enfant qui fait et refait incessamment mais jamais exactement pareil  c’est la meilleure façon d’apprendre pour développer son potentiel. »

Dans les stages proposés aux danseurs vous apportez toujours des supports pédagogiques visuels ou  tactiles (colonne vertébrale ou planches anatomiques), pourquoi ?

« Le BMC® pourrait s’appeler « anatomie expérientielle » : à quel moment, faisant expérience dans mes propres tissus et dans mes propres cellules, je vais pouvoir faire un voyage vers mes sensations ou mon action. L’usage de l’anatomie est universel et on peut parler ce langage-là pour se guider vers l’expérience, le but étant de reconnaître le chemin parcouru pour atteindre cette perception. Ce qui importe dans le BMC®, c’est la connaissance que l’on fait de soi, l’expression qu’on va en trouver, le repos que l’on va découvrir, les transformations qui vont advenir, c’est cela qu’on cherche à travers l’usage de l’anatomie.

 

Source : soma-france.org

Le BMC® a une double orientation, il est lié à la fois à l’étude des différents systèmes du corps mais il s’intéresse aussi à la question du développement. Dans le reste du monde, beaucoup de gens qui pratiquent le BMC® travaillent dans la petite enfance ou à l’hôpital en soins néo-nataux. Connaître les schèmes de développement et avoir la capacité de lire les corps est une compétence que l’on développe en BMC® et qui permet d’apporter des réponses, y compris individuelles, en croisant toutes les connaissances liées à cette double orientation : systèmes anatomo-physiologiques et schèmes de développement. Comment le corps bouge exprime comment l’esprit vit : Body-Mind, l’un n’est pas sans l’autre. »

Source : soma-france.org

Le BMC® est-il un appui pour vous dans votre travail de création ?

« Je dirais que c’est la partie la plus intime où je me suis le plus engagée. Il y a eu les pièces que j’ai emmenées dans le paysage à partir de 2004, comme Strates, l’écorce et la peau et qui étaient un aller-retour entre l’environnement extérieur, ma propre peau et l’intérieur. Puis il y a eu le solo fait en 2010, Autobiographie d’un corps ému où j’ai vraiment voyagé avec un récit de moi en même temps qu’une cartographie intérieure un peu folle et je me suis servi de ça en tant qu’artiste. Je voyageais avec ma pratique qui me donnait un immense territoire à explorer, mon corps, avec cette conscience flottante, la poésie, l’imaginaire qui surgissaient et faisaient émerger des personnages, etc. Le BMC® a été un outil fondamental pour ce solo et je l’ai depuis mis en jeu dans le travail que je fais avec les danseurs du groupe amateur Ubac.

Anne Garrigues, solo Autobiographie d’un corps ému, crédit photo Etienne Eymard Duvernay

Ensemble nous avons repris la pièce Dance Practicable, écrite par le chorégraphe français vivant à Berlin Frédéric Gies. C’est une partition basée sur le BMC® qui demande d’en avoir une pratique pour pouvoir la lire. Cela a produit une danse traversée par 14 personnes initiant le mouvement d’un même lieu du corps mais l’interprétant chacune à sa manière et ce sont ces différences qui sont belles à voir. De même, Lieux créé en février 2013 avec Ubac était basé sur le processus que j’avais engagé dans mon solo Autobiographie d’un corps ému, et j’ai emmené les danseurs sur cette question de nos paysages intérieurs qui nous portent poétiquement et que l’on peut toujours inviter, convoquer ou renouveler. »

 

 

Pour les prochains stages d’Anne Garrigues :

 

Au CDC/Le Pacifique à Grenoble du 9 au 13 septembre 2013

  • Body Mind Centering & Contact improvisation

Grenoble (F), 5 – 6 octobre & Bern (CH), 9. – 10. November 13

avec Anne Garrigues & Manuela Blanchard

  • Stage à Grenoble (F) les 5 et 6 octobre 2013
  • Workshop (stage bilingue !) à Bern (Suisse), 9.- 10. Novembre, 2013

Tarif : 125€ tarif réduit avec versement des arrhes jusqu’au 21.09, puis 140€

Inscription : garrigues.anne@free.fr / + 33(0)6 79 95 16 82

 

Pour en savoir plus sur le BMC®:

En 2010, les praticiens de France ont créé leur association : l’APBF (Association des Professionnels de Body-Mind Centering en France)

Soma est l’organisme de formation professionnelle de BMC® en France

BMCA est l’association internationale des professionnels de BMC®

Éducation Somatique France

 

BMC® et Body-Mind Centering sont des marques de service déposées, propriété de Bonnie Bainbridge Cohen, utilisées avec permission.

Image de Une, site www.soma-france.org, tous droits réservés.

Cet article a été fait à partir d’extraits d’un entretien donné à CCCdanse par Anne Garrigues en Juillet 2013.

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